François Weyergans, académicien
En 2011, agnès b. a imaginé et réalisé le costume qu'a porté l'écrivain François Weyergans pour son entrée à l'Académie Française.
Habituellement, les académiciens font faire leur fameux costume, inventé par Napoléon Bonaparte il y a 3 siècles, chez le tailleur des armées. François Weyergans voulait un habit qui lui ressemble. Il a donc eu l'idée de demander à Agnès. Banco ! Du tissu aux boutons en passant par les broderies de rameaux d'olivier vert et or et même un petit lézard, l'écrivain et la styliste ont façonné chaque détail du costume.
Dans l'ouvrage agnès b., styliste, publié en 2016, le Franco-Belge racontait avec ses mots l'aventure de ce costume d'immortel. Morceaux choisis.
« Donc, si je m’étais toujours senti bien dans les costumes d’agnès b., pourquoi ne pas lui demander ce nouveau costume à porter en public ? Mais acheter un costume rue du Jour, en vitesse, incognito, en faisant raccourcir le pantalon pour le lendemain après-midi, n’avait rien à voir avec l’artillerie lourde du Premier consul corrigé par Victor Hugo ! Et si ça n’intéressait pas agnès ?
Entre-temps, à l’Académie, Mme le secrétaire perpétuel, surnommée par ses confrères « la tsarine” ou « la mère supérieure », trouvait le temps long et me disait : « Vous allez faire ce que je vous dis, vous irez voir le tailleur des armées ! » Je n’ai pas osé lui dire que j’avais été exempté du service militaire. Je n’osais pas non plus embêter agnès b. avec ça, sauf qu’elle me fit la joie, la surprise et un peu la stupeur d’accepter. Je crois que ça l’amusait, la distrayait, lui faisait faire quelque chose d’inattendu. Elle me semble toujours « partante », agnès, quand ça l’intrigue et lui plaît.
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Donc elle accepte de s’occuper de mon habit d’académicien, je découvre son équipe, mes mesures sont prises par Jean-Pierre Souffir, il y a Rebecca, Franck, Mylène et des jeunes gens vifs et rapides qui font des films ou composent de la musique et la font rire.
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Dans cette chapelle laïque et blanche qui est son bureau, avec de larges fenêtres au dernier étage ouvrant sur le nord de Paris, elle travaille sans cesse. Je la regarde travailler, penser, décider, moi n’ayant qu’une chose à faire : me tenir droit. Ensuite il y a toujours du champagne, de la vodka, des fleurs, des cigarettes.
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agnès me parlera de Diderot, de Voltaire, de Watteau, de gravures du xviiie siècle dont elle fait mine de s’inspirer pour créer le dos de cet habit, un dos qui me paraît sublime dans le miroir où je le devine. On pourrait faire de la « construction » de ce costume (en couture, on parle bien de « bâti », n’est-ce pas?) un livre pour enfants, une histoire rafraîchissante loin des coulisses de la Coupole, un conte de fées et devinez qui est la fée? La fée a dit un jour : « J’ai envie de faire des vêtements qu’on garde toute sa vie. » Elle ne croyait pas si bien dire! Je garderai toute ma vie cet habit que je n’ai pas voulu abandonner dans un local appelé « Vestiaire des académiciens » et que je laisse à sa garde plutôt que de le traîner avec moi dans des hôtels.
Cela dura des mois, le conte de fées, l’aventure rafraîchissante. Nous aimions que ça traîne, sans doute. De temps en temps, le secrétaire perpétuel de l’Académie française s’inquiétait des broderies, envoyait une assistante vérifier s’il y en avait assez. Nous nous amusâmes, agnès et moi, à introduire en douce dans les rameaux d’olivier réglementaires un petit lézard, brodé lui aussi, un animal que nous affectionnons, ce lézard qui est une sorte d’emblème pour l’entreprise familiale et citoyenne dite « agnès b. » et qui fut pour moi le compagnon de mon enfance (j’en apprivoisais, j’allais à l’école avec mon lézard préféré caché dans mon cartable).
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Je me faufile sous la coupole, je reconnais agnès dans la salle avec sa merveilleuse petite caméra. Plus tard, elle me dira qu’elle était tout à fait d’accord quand j’ai parlé du rock’n’roll, quand j’ai dit qu’avoir aimé cette musique en étant jeunes nous avait dégourdis pour toujours et ne ferait pas de nous des vieillards comme les autres. Nous sommes très amis, maintenant, agnès et moi. Elle fait rimer couture et littérature. Je l’aime et l’admire et l’embrasse. »