« Les goûts d’agnès b. parlent pour elle. »

« Les goûts d’agnès b. parlent pour elle. »
© Vollmer

L’auteur et dessinateur de BD Guy Delisle raconte son dernier ouvrage et le lien fort qu’il entretient avec la boutique de Montpellier.

Ses Chroniques de ses voyages en Corée du Nord à Jerusalem, ou celles de sa vie de famille (Le Guide du Mauvais Père), ont permis au Québécois d’être un des auteurs de bande dessinée francophones les plus reconnus dans le monde. Basé depuis 30 ans à Montpellier, dans le sud de la France, il a pris l’habitude d’organiser ses dédicaces dans la boutique agnès b. locale. C’était notamment le cas en décembre avec son dernier ouvrage, Pour une fraction de seconde, sur le photographe et cinéaste américain de la fin du XIXè siècle, Eadweard Muybridge.

Comment a commencé l'histoire entre agnès b. et vous ?
C'est une histoire d'amitié d'abord. J'ai quitté mon Canada il y a près de 30 ans avec un sac à dos pour visiter le vieux pays. Je suis venu travailler dans le dessin animé dans le sud de la France au Nord de Montpellier. Et je n'en suis plus reparti. En me rendant avec ma compagne dans la boutique agnès b. de Montpellier, nous avons sympathisé avec Mylinh (la responsable adjointe). Depuis nous sommes devenus amis. Et nous retournons acheter un morceau d'agnès b. de temps en temps. J'y fais régulièrement des dédicaces, c'est un endroit où je me sens bien.

Comment-êtes vous passé du dessin animé à la BD ?
Je suis arrivé ici en plein âge d'or du dessin animé. Et puis certains ateliers ont fermé et je suis venu à la BD petit à petit. Après un voyage en Chine à la fin des années 1990, j'avais plein d'histoires cocasses à raconter. Ça a donné Shenzhen (2001).

Que vous évoque agnès b. ?
La marque existe sans aucune pub, comme une idée en filigrane qui vit au-delà du vêtement, dans l’art et les évènements. Il y a un côté mystérieux. On la sent très ancrée. Sans qu'elle soit mise en avant, ses goûts parlent pour elle. C'est un joli anachronisme. Elle rend les gens beaux. Je ne suis pas un expert, loin de là, mais j'y ai acheté quelques chemises au fil du temps, je les mettais sur les plateaux télé pour faire le coquet. Ma mère fabriquait ses vêtements, donc ça m'a appris à voir quand un vêtement est bien fait. J'aime bien retourner et voir les coulisses. Chez agnès b., les coulisses aussi sont jolies.

Comment avez choisi le sujet de votre dernier ouvrage, Pour une fraction de seconde ?
Pour une fois, je n'y parle ni de moi ni de mes enfants. (Rires) Dans le monde du dessin animé on entend vaguement parler d'Eadweard Muybridge. Il a imaginé des séquences animées que tout le monde regarde. Mais personne ou presque ne connaît l’histoire mouvementée de sa vie. Il a assassiné l'amant de sa femme et risquait la pendaison. C'était le far west, en 1880. Et c'était aussi un grand photographe, qui a inventé l'obturateur actuel, et est à l'origine du cinéma, parmi les pionniers oubliés. C'est une bonne histoire. Une histoire en costume d'ailleurs. Je me raccroche souvent aux vêtements, ils donnent du caractère au personnage. En 1880, les personnages portent les cols remontés, des vestes queue de pie et des rubans. Ça pose l'ambiance Western.

Pour une fraction de seconde, de Guy Delisle, Delcourt (2024).